Airbnb :
10 ans déjà
Un modèle d'économie d'échelle

On réserve notre Airbnb pour cet été?

Cette question je la pose systématiquement à ma moitié lors de nos préparations de voyage.
Le détournement du nom d’une marque pour en faire une expression de la vie courante est le but inavoué de tout entrepreneur. C’est le signe d’une adéquation entre un produit et son marché (Product Market Fit).

C’était comment avant Airbnb?

Avant l’avènement d’Airbnb, le réflexe de la plupart des voyageurs était de passer par une agence de voyage, de passer des réservations en suivant aveuglément un guide ou de rechercher une chambre d’hôtel et des billets d’avion sur Internet.

Cependant en tant que consommateur, on se heurtait à un triple frein :

  • Le prix d’une chambre d’hôtel était relativement élevé et écartait les voyageurs les plus modestes.
  • La réservation d’une chambre d’hôtel s’apparentait à un parcours du combattant.
  • L’opacité de l’information rendait difficile l’accès au produit qui permettait d’optimiser sa satisfaction en fonction de son budget.

Afin de résoudre ces frustrations, l’industrie de la réservation en ligne a émergé.
Des acteurs comme Booking ou Trip Advisor ont permis la simplification du parcours de réservation et ont offert des outils de comparaison apportant plus de transparence de l’information.
Mais le dernier frein “le prix” a partiellement été levé.
Pourquoi? Parce que le marché hôtelier est un marché oligopolistique. En 2007, les 6 premiers groupes hôteliers regroupaient à eux seuls 23 000 hôtels soit 73% du parc hôtelier (1). Cette typologie de marché permet un contrôle des prix.

Airbnb, c’est l’histoire de deux designers qui avaient des difficultés à payer leur loyer.

Airbnb : 10 ans déjà
En 2007, les fondateurs d’Airbnb Brian Chesky et Joe Gebbia étaient deux designers vivant à San-Francisco. Ils rencontraient des difficultés à payer leur loyer et par une approche créative ils ont tenté de trouver une réponse à ce problème.

Leur idée?

Profiter d’une pénurie de chambres d’hôtels pour accueillir chez eux des voyageurs.
Si en Octobre 2007 vous n’arriviez pas à trouver une chambre d’hôtel pour assister à la conférence Industrial Designers Society of America, vous disposiez d’un plan B.
Pour 80$ par nuit, vous pouviez louer un matelas gonflable chez les futurs co-fondateurs d’Airbnb. Pari réussi, leurs matelas gonflables à louer ont trouvé preneur et des retours positifs les ont conduit à envisager la création de leur startup.

Le défi?

Devenir l’intermédiaire entre des clients et des propriétaires de logements disposant de chambres vacantes. Ils décident de mettre en place une plateforme de mise en relation. Pour la développer, ils se rapprochent d’un ingénieur et futur co-fondateur Nathan Blecharczyk, ancien collaborateur de Joe Gebbia.

Première version d’Airbnb lancée en Août 2008

Tester son Minimum Viable Product sur le terrain pour tirer des enseignements clés.

Les débuts sont laborieux mais les co-fondateurs parviennent à intégrer Y Combinator, l’accélérateur de Paul Graham. Grâce au mentorat de Paul Graham, ils adaptent leur produit mais plus important, ils le testent à New-York.
En se confrontant à la plus grande ville des Etats-Unis, ils tirent des enseignements précieux du marché qui les conduisent à établir les fondements de leur Business Model.
Des photos professionnelles, l’abandon des matelas gonflables pour des chambres et des petits déjeuners sont des enseignements tirés d’une immersion à New-York.
Les bases de leur modèle étant testé et approuvé, leur activité va connaître un véritable envol.

We learnt early on to go meet the people, to go talk to the customers, to achieve what I would call ‘enlightened empathy,’ which is getting into the shoes of the customers as close as you possibly can to see the world through their eyes.
Joe Gebbia

Un modèle d’économies d’échelle (scalability)

En 10 ans, la valeur boursière d’Airbnb a surpassé celles des plus grands groupes hôteliers et ce sans posséder la moindre chambre. Sa croissance exponentielle s’explique par un modèle d’affaires capable d’absorber une croissance de son activité en affectant modérément ses coûts.

Analysons la stratégie de croissance d’un groupe hôtelier.
Pour augmenter le nombre de chambres proposé, un groupe hôtelier se doit de construire (ou d’acquérir) de nouveaux hôtels, engager le personnel pour les gérer et les entretenir. Il doit également acquérir et fidéliser sa clientèle pour entretenir ses revenus à long terme. Les coûts engagés peuvent être colossaux.
Son levier de croissance est capitalistique.

La stratégie de croissance d’Airbnb repose sur sa faculté à mettre en relation les propriétaires et les voyageurs sur sa plateforme. Airbnb, réalise ses revenus en prélevant une commission sur chaque nuité et n’interfère pas dans la gestion du parc hôtelier. Ainsi ses coûts de fonctionnement se focalisent sur la gestion de sa plateforme.
Airbnb s’est doté d’un modèle dont la mise à disposition d’une chambre supplémentaire s’accompagne d’une baisse du coût marginal de sa plateforme, fondement des économies d’échelle.

Airbnb : 10 ans déjà 1
Un cercle vertueux profitant à l’ensemble des partis :

  • Les clients peuvent facilement réserver des chambres à un prix optimisant leur satisfaction en fonction de leur budget.
  • Les propriétaires indexent leurs chambres disponibles sur une plateforme offrant l’assurance de trouver des clients.
  • Airbnb prélève une commission sur toutes les transactions.

Une croissance exponentielle

Les résultats sont sans appel. Ce modèle a ébranlé le marché hôtelier dont les marges avaient déjà été fragilisées par les services de réservation en ligne.
Deux statistiques marquantes mettent en exergue la croissance exponentielle d’Airbnb.

1. Airbnb a proposé plus de chambres en 4 ans qu’Hilton n’a pu construire en 93 ans (3).

Airbnb : 10 ans déjà 2
2. Airbnb a surpassé la valeur d’Hilton passant de 0 à 31 Milliards de $ en 10 ans.

Si en 2008 on vous avait prédit une telle croissance, l’auriez-vous cru?

Sources :
(1) L’économie du tourisme – Béatrice de la Rochefoucauld
(2) How Platforms Scale without Increasing Costs
(3) Rachel Botsman

Commentaires